Le développement exponentiel d’internet et des réseaux sociaux ouvre tout un nouveau champ d’action au contentieux du divorce car il va faciliter l’établissement de la preuve des relations extra-conjugales. Grande va être par exemple la tentation de rechercher des éléments de preuve dans les correspondances et documents plus ou moins intimes et incriminants livrés en pâture sur le net : en la matière, la propension de plus en plus fréquente des amants à afficher imprudemment leur vie plus ou moins intime sur Facebook semble offrir un gisement inépuisable de ressources. Après avoir rappelé les règles juridiques applicables en matière d’infidélité, nous nous attacherons à voir, au moyen de quelques exemples précis, comment le droit s’adapte au développement d’internet et des réseaux sociaux.
L’infidélité et le divorce
L’infidélité constitue une faute de nature à justifier l’engagement d’une procédure de divorce aux torts de son conjoint. Il résulte en effet de l’article 212 du code civil, dont lecture est faite aux époux par l’Officier d’Etat civil à l’occasion de leur union, que : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance ». Par ailleurs, pour constituer une faute, le fait reproché doit constituer une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendre intolérable le maintien de la vie commune… Il faut toutefois noter un certain infléchissement en matière d’appréciation de la faute d’adultère, l’infidélité n’étant plus forcément à elle seule l’élément de nature à constituer la faute. Voyons cela à travers quelques décisions de justice rendues ces dernières années.
Exemples de jurisprudence
Prenons d’abord l’hypothèse d’un accord entre les époux sur une « union libre ». Dans ce cas, l’infidélité ne constitue pas en soi une faute de nature à engendrer le divorce. Tout est question de mesure : l’époux(se) n’a pas le droit de faire de sa liberté un usage humiliant pour son conjoint. La Cour d’appel de Versailles a ainsi eu à connaître le 21 octobre 2010 de faits illustrant notre propos : en l’espèce, les époux avaient souscrit une déclaration pendant leur mariage les libérant de tout devoir de fidélité. Ils s’étaient ainsi mutuellement autorisés à recevoir toute personne de leur choix à des fins sentimentales, pour donner un peu de « peps » à leur vie sentimentale après 32 ans de mariage! Fort de cette permission, l’épouse s’est cru autorisée à exercer des activités d’escort-girl via des annonces sur internet et à exploiter plusieurs sites dédiés à cette activité. La Cour a jugé que l’épouse avait ainsi fait un usage humiliant de la liberté que lui avait conférée son époux.
Attardons nous désormais sur les faits ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’Appel de Douai le 28 février 2013 et illustrant parfaitement le début de notre propos : une épouse s’était « consolée » avec un ami après le départ de son mari du domicile conjugal. L’amitié ayant évolué vers des sentiments plus profonds, les amants ont commis l’imprudence d’afficher publiquement leur bonheur sur les pages du compte Facebook de la femme, avec illustrations de photos explicites à l’appui, offrant au mari des éléments de preuve au soutien des accusations d’adultère qu’il formulait à l’encontre de son épouse. Rappelons qu’en principe, l’obligation de fidélité liée au mariage perdure jusqu’au prononcé du jugement de divorce. Il existe néanmoins une certaine tolérance au sujet des relations extra-conjugales après l’Ordonnance de Non Conciliation (ONC) autorisant les époux à vivre séparément. Encore faut-il que lesdites relations n’interviennent pas trop rapidement après le prononcé de l’ONC et qu’elles restent discrètes. Or, en l’espèce, les juges ont retenu le caractère outrageant de la relation divulguée sans pudeur sur les réseaux sociaux, évoquant même la blessure morale pour le mari que constitue l’humiliation de la divulgation de la relation de sa femme avec son amant sur les réseaux sociaux, lui conférant un caractère public et connu qui dépasse le cercle intime du couple.
Mais internet offre d’autres pistes de contentieux en matière de divorce : ainsi, la fréquentation par une personne engagée dans les liens du mariage d’un site de rencontre sur internet. En la matière, le simple fait de rechercher des relations sexuelles par le biais d’un site internet constitue en lui seul une faute susceptible de justifier un divorce aux torts exclusifs de celui qui l’a commise, la seule circonstance que ces échanges aient ou non donné lieu à des relations physiques étant étrangère à la cause. Ainsi en a jugé la première Chambre civile de la Cour de Cassation le 30 avril dernier. Une relation simplement fantasmée peut donc constituer une faute! On peut alors parler d’infidélité … virtuelle.
Ces différents exemples nous montrent que si l’infidélité reste au cœur du contentieux du divorce, l’adultère est différemment apprécié en fonction des circonstances. La séparation d’un couple est difficile car elle met en jeu des règles juridiques dont l’application à la situation concrète des époux est souvent source de surprises (bonnes pour l’un, mauvaises pour l’autre). D’où l’intérêt de ne pas sous-estimer l’aspect plus psychologique de la rupture. Une séparation de couple met de toute façon en jeu tant des aspects juridiques qu’émotionnels et la surprise résultant de l’application inattendue des règles de droit ne rend les choses que plus compliquées à vivre…psychologiquement.

